À sept mois de l’échéance du 1er janvier 2020, de nombreuses entreprises n’ont pas encore mené à bien l’installation de leur CSE. Plus regrettable encore : parmi celles qui l’ont fait, le comité d’évaluation des ordonnances Macron notait, en décembre dernier, que “dans cette première phase de mise en place, employeurs et représentants des salariés se sont très peu saisis des possibilités offertes de repenser le dialogue économique et de l’articuler avec l’agenda social et la négociation collective”. Afin d’expliquer cette relative frilosité, les auteurs soulignent le besoin d’accompagnement des entreprises pour “absorber des réformes successives et déstabilisantes”.
Pour notre part, nous sommes persuadés que la qualité du dialogue social déterminera, pour une grande part, la capacité des entreprises à relever les défis d’un monde en mutation. C’est pourquoi nous vous livrons nos préconisations pour faire du CSE un levier au service de vos projets.
Même si la mise en place du CSE a pour objectif de renouveler en profondeur le dialogue social, aucune entreprise ne va partir d’une page blanche. Même au sein du dialogue social juridiquement balisé d’autrefois, chaque entreprise avait des spécificités tenant à sa culture, son organisation, son histoire… Cet héritage ne va pas disparaître comme par magie avec la mise en place du CSE. Il faut s’y atteler en se demandant, de façon ouverte et sincère, ce qui fonctionnait et ce qui ne fonctionnait pas, ce que l’on veut conserver et ce dont on ne veut plus. Cette phase d’audit associant toutes les parties – les DRH et DRS, mais aussi les managers et, si possible, les élus du personnel – permet de souligner l’esprit de la démarche : sortir de la routine de l’existant pour imaginer un système adapté à l’identité de son entreprise.
Durant des décennies, les relations sociales ont obéi à une logique de conformité. Il s’agissait avant tout de faire ce qui était formellement prescrit par la loi. En généralisant la primauté des accords d’entreprise – à l’exception de certains points considérés comme d’ordre public ou relevant des négociations de branche – les ordonnances Macron ont inversé cette logique. Désormais, pour peu qu’un accord soit trouvé, tout ce qui n’est pas interdit est permis ! Toutefois, en raison de la force des habitudes, la tentation existe d’effectuer un simple ravalement de façade en rebaptisant CSE les anciennes instances. Pour conjurer ce risque, il convient de rendre plus concrètes les possibilités offertes, en présentant une série de modèles alternatifs à combiner librement pour stimuler la créativité des acteurs concernés.
La date limite de mise en place des nouvelles instances étant fixée au 1er janvier 2020, l’écueil consiste à limiter son horizon à ce couperet. Or, mieux vaut se projeter au-delà de cette date en imaginant librement le dialogue social adapté aux enjeux à venir de l’entreprise. Les ordonnances Macron partent du principe que le dialogue social permettra à l’entreprise d’affronter dans les meilleures conditions les mutations économiques, sociales et technologiques à venir. L’enjeu n’est donc pas seulement d’être dans les délais. Il est aussi de hisser les relations sociales au niveau de la stratégie et de la vision de l’entreprise.
Cette phase consiste à bâtir concrètement les instances adaptées en prenant en compte le statut, l’organisation et la situation économique de l’entreprise. Parmi d’autres sujets, une grande attention est portée au risque de centralisation induit par la création d’une instance généraliste. Faut-il le conjurer en créant un CSE dans chaque établissement ou plutôt miser sur des délégués de proximité ? Et dans cette seconde hypothèse, quel sera le périmètre de leurs compétences ? Enfin, convient-il de créer une Commission santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans les CSE issus d’établissements de moins de 300 salariés ? Ces questions doivent être traitées collectivement car la performance des nouvelles instances dépendra avant tout de la motivation des acteurs concernés. C’est pourquoi mieux vaut les élaborer dans un large processus de coconstruction à l’issue duquel le système imaginé sera présenté aux organisations syndicales en vue de la négociation d’un accord.
Vient alors le moment de mettre en place le CSE. Ici aussi, des choix doivent être faits pour assurer son bon fonctionnement. Ainsi, la loi précise que trois personnes peuvent assister le président. Si la présence du DRH s’impose, quelles seront les deux autres ? Faut-il qu’elles soient désignées à titre permanent ou n’est-il pas préférable de les faire tourner au fil des projets poursuivis ? Une grande attention doit également être portée à la préparation d’un ordre du jour opérationnel. Auparavant, dans les entreprises de plus de 300 salariés, on avait, au minimum, une réunion CE et DP par mois et une réunion CHSCT par trimestre, soit un total annuel de 28 réunions spécialisées. Désormais, on aura 10 ou 12 réunions du CSE par an. Le nombre de réunions va donc chuter considérablement mais la préparation des réunions devra faire l’objet d’un plus grand soin pour éviter que leur ordre du jour ne prenne la forme d’un inventaire à la Prévert pléthorique et incohérent.
La qualité du dialogue social ne dépend pas des seules structures mais des hommes et des femmes qui s’y investissent. Il est dès lors crucial d’offrir à ceux-ci les moyens nécessaires pour assumer leur fonction efficacement et sereinement. Cela passe notamment par un effort de formation. Ce besoin concerne l’ensemble des membres du CSE : aussi bien les membres du bureau que les élus du personnel qui auront à gérer conjointement des sujets plus transversaux que ceux traités autrefois dans les instances spécialisées. Mais, au-delà, le besoin de formation concerne l’ensemble des managers chargés de faire vivre le dialogue social au quotidien. En effet, aujourd’hui comme hier, le dialogue social ne saurait être cantonné aux seules instances qui lui sont dédiées : il est une culture et une façon de favoriser la bonne coopération de tous les membres de l’entreprise au service d’objectifs communs.