Témoignage
Lucie Boucaut, Responsable relations sociales Leroy Merlin : « Le CSE nous a permis d’accentuer le renouvellement de notre dialogue social. »

Lucie Boucaut est Responsable des relations sociales de Leroy Merlin France. À ce titre, elle a piloté un vaste chantier de renouvellement du dialogue social qui s’est poursuivi par la mise en place du nouveau Comité social et économique (CSE).

Elle explique ici combien la réussite de cette démarche repose aussi sur un substantiel effort de formation de l’ensemble des acteurs concernés.

Comment avez-vous accueilli la nécessité de fusionner les anciennes instances représentatives dans un nouveau CSE ?

Nous l’avons accueillie avec enthousiasme car cela faisait de nombreuses années que nous attendions une réforme des instances représentatives du personnel allant dans le sens d’une simplification. Puis, lorsque nous avons pris connaissance des textes, nous avons saisi qu’ils permettaient d’aller plus loin en autorisant l’adaptation du fonctionnement des instances à notre propre politique de dialogue social. Pour Leroy Merlin, c’était une belle opportunité car, depuis deux ans déjà, nous avions engagé une démarche très volontariste de renouvellement du dialogue social. Le calendrier institutionnel s’articulait donc parfaitement à nos propres préoccupations et la réforme tombait à point nommé pour nous donner davantage de latitude et aussi pour animer ce chantier et y sensibiliser nos managers.

Pouvez-vous nous présenter cette démarche de renouvellement du dialogue social ?

Cette démarche est liée à l’histoire de notre entreprise. Depuis sa création, Leroy Merlin a connu une très forte croissance au cours de laquelle le dialogue social s’est construit de façon essentiellement empirique et décentralisée parce que les directeurs de nos magasins jouissent d’une grande autonomie. Or, il nous est apparu qu’au stade de développement désormais atteint par l’entreprise, les relations sociales méritaient toutefois d’être repensées collectivement dans le sens d’un alignement sur des standards plus exigeants et plus homogènes. Cette démarche repose aussi sur le constat que le rapport des salariés à l’entreprise a évolué, si bien que le dialogue social d’autrefois, légèrement teinté de paternalisme et tissé de relations interpersonnelles, n’est plus suffisant pour faire face aux défis d’aujourd’hui. Il permet certes de gérer les questions quotidiennes qui peuvent se poser au niveau des établissements – les fameux irritants sociaux -, mais il est moins bien adapté pour jouer son rôle dans les grands enjeux stratégiques de l’entreprise, notamment dans le contexte actuel de digitalisation.

Comment avez-vous lancé ce chantier ?

L’impulsion est partie de la tête de l’entreprise, en l’occurrence du Comité de direction France, via un atelier réunissant aussi bien la direction du personnel que des managers et des personnalités extérieures. La méthode a consisté à confronter nos convictions aux réalités du terrain de façon à élaborer une feuille de route opérationnelle. L’une des idées-forces retenues est que les relations sociales ne concernent pas les seules personnes responsables des ressources humaines mais l’ensemble des cadres et des managers. C’est pourquoi il nous a vite semblé nécessaire d’entreprendre la formation systématique de ceux-ci à la pratique du dialogue social. Nous avons donc lancé, avec l’appui de Cardinale sud Formation, un vaste programme de formation dédié aux responsables RH mais aussi aux directeurs de magasin, aux contrôleurs de gestion et aux chefs de secteurs de chacun de nos 137 établissements français. De la sorte nous avons élargi le périmètre des relations sociales. Comme vous l’avez compris, cela s’articule parfaitement bien avec la mise en place d’une instance généraliste telle que le CSE, au sein de laquelle les questions sociales devront être abordées de façon plus transversale et globale.

Justement, comment avez-vous procédé pour concevoir vos nouvelles instances ?

Nous n’avons pas imaginé un seul instant de calquer les futurs CSE sur l’ancien système de représentation puisque nous étions engagés dans un processus de renouvellement de notre dialogue social. C’est pourquoi notre réflexion s’est d’abord appuyée sur un regard extérieur, et notamment sur un “rapport d’étonnement” réalisé par des intervenants de Cardinale sud. Cette façon de faire est fructueuse car elle permet de sortir de la routine et d’élargir l’horizon des possibles. Nous nous sommes également appuyé sur un groupe d’opérationnels (directeurs, RH) pour confronter nos idées à la réalité du terrain. Cela dit, renouvellement ne veut pas dire rupture. Ainsi, le nouveau système veille à respecter la culture spécifique de Leroy Merlin. Un exemple : nous avons très vite tranché en faveur de la création d’un CSE par établissement de façon à réaffirmer notre attachement aux principes de proximité et de subsidiarité qui font partie de l’identité de l’entreprise. De la même façon, il a été décidé de créer des Commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans l’ensemble de nos établissements car ces questions représentent un axe stratégique pour l’entreprise. C’est pourquoi, dans notre dispositif, les questions présentant un caractère technique, comme l’analyse des éventuels accidents graves ou la réalisation des inspections de sécurité, seront traitées par la CSSCT tandis que les grandes orientations de santé, sécurité et conditions de travail seront débattues au sein du CSE.

Vous avez aussi entrepris de former vos managers à l’animation des CSE. Quel est le déroulement de ces formations ?

Ces formations concernent tout spécialement les directeurs de magasins et leurs responsables RH qui la suivent en binôme car ils seront conjointement chargés de présider et d’animer le CSE. Ce sont des formations qui, pour partie, s’appuient sur la théorie avant d’être extrêmement pratiques et opérationnelles grâce à des mises en situations réalisées par les intervenants de Cardinale sud Formation. Nos managers y simulent la création d’un ordre du jour, la tenue d’une réunion et la prise de décisions à l’issue de celle-ci. L’idée est de les plonger dans le bain du réel et de favoriser les partages d’expériences en mixant au maximum les publics. Nous veillons ainsi à ce que les formations réunissent des managers ayant des profils différents, en raison de leur parcours, leur ancienneté, leur âge ou leur secteur géographique. Ici encore, l’objectif est de casser les routines pour sélectionner les bonnes pratiques et favoriser la créativité et l’intelligence collectives, ce qui est, me semble-t-il, l’esprit même des CSE.

Ivan Soibinet

Consultant-Formateur Cardinale sud

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