Témoignage
Jean-Yves Petit, DRS « Le dialogue social est un levier majeur du processus de transformation de La Poste. »

Directeur Relations Sociales du Groupe La Poste, Jean-Yves Petit a piloté le lancement d’un vaste programme de formation visant à “renouveler les pratiques de dialogue social” des 20.000 managers de l’entreprise. Élaboré et déployé en coopération avec Cardinale sud, ce programme démontre combien les pratiques de dialogue social, loin d’obéir seulement à des règles universelles, doivent prendre en compte l’histoire et l’identité singulière de chaque entreprise.

Le programme de formation que vous avez lancé s'inscrivait-il dans un contexte particulier ?

Cette formation s’inscrit dans le sillage de la “Commission du Grand Dialogue” constituée en 2012, sous l’égide de Jean Kaspar, pour remédier à la période de climat social tendu qui s’était manifestée, au sein de notre Groupe, par le suicide de salariés. Parmi d’autres préconisations, relevant notamment de la qualité de vie au travail (QVT), cette commission avait souligné la nécessité de renouveler nos pratiques de dialogue social en considérant celui-ci comme “un levier pour la mise en œuvre de la transformation de l’entreprise”. Cette formation est donc née dans ce contexte spécifique mais, loin de constituer une réponse conjoncturelle, elle s’inscrit dans une ambition de long terme.

Quels sont les publics visés ?

Cette formation s’adresse aux 20.000 managers du Groupe. Notre cible prioritaire est constituée des managers en bureaux de poste, centres courrier-colis ou centres financiers qui comptent, selon les cas, d’une dizaine à plusieurs centaines de collaborateurs. Nous estimons en effet que c’est d’abord à cet échelon, au plus près des salariés, que se noue un dialogue social de qualité.

Quel est le contenu de cette formation ?

Cette formation se déroule à l’Institut du Management du Groupe, à Paris, et en régions par sessions de deux jours avec des groupes de huit à quinze personnes. Lors de la première demi-journée, je me charge de rappeler le caractère stratégique du dialogue social pour une entreprise telle que La Poste. J’y insiste sur le fait que, dans la
profonde métamorphose poursuivie par notre entreprise, les organisations syndicales sont des “parties prenantes” incontournables avec lesquelles il faut dialoguer et travailler. De leur côté, les intervenants de Cardinale sud replacent cela dans l’histoire du syndicalisme et de ses diverses sensibilités, avant de proposer des exercices pratiques sous la forme de jeux de rôles. Les participants y revivent des situations vécues au quotidien par les managers de La Poste. Ces cours et exercices portent sur la veille sociale, les irritants sociaux, la négociation collective et les moyens de créer du lien avec les représentants du personnel.

Cette formation semble faire une grande place aux spécificités de La Poste.

Cet aspect est tout à fait crucial car une entreprise n’est pas seulement un édifice juridique. C’est aussi une communauté humaine qui a une histoire, une âme, une culture, des émotions, des regrets et des projets qui lui sont propres… La formation que nous avons conçue veille donc à intégrer la longue histoire de La Poste et son identité singulière. Pour y mener un dialogue social fructueux, il convient en effet de ne pas perdre de vue que La Poste était une entité publique avant de devenir une entreprise pas tout à fait comme les autres. Ainsi, elle est une Société anonyme, mais à capitaux intégralement publics ; elle a des objectifs de performance économique mais aussi des missions de service public ; des agents ayant le statut de fonctionnaire et d’autres de salarié… Tout cela débouche sur une identité riche et complexe avec laquelle les managers doivent composer. Notre formation leur permet de s’approprier cette culture qui n’est pas nécessairement la leur, puisque certains d’entre eux viennent du privé. Elle leur donne les outils nécessaires pour avancer plus concrètement et plus sûrement.

Pour les observateurs extérieurs, le dialogue social apparaît juridiquement balisé. Or, vous misez plutôt sur l'humain…

Oui, car notre objectif excède le seul respect des règles juridiques et des procédures : pour cela, les managers bénéficient déjà du support technique des services de RH. Nous visons plutôt une mise en éveil de leur sensibilité parce que le dialogue social repose à la fois sur du formel et de l’informel, de l’explicite et de l’implicite. Pour nouer une relation de confiance avec un représentant du personnel, il ne suffit pas de cocher des cases dans un process ni d’être juridiquement irréprochable. Il faut être à l’écoute des organisations syndicales et au-delà du collectif de travail tout entier car chaque agent est un acteur social. À nos yeux, le dialogue social est vraiment une compétence humaine et managériale. C’est pourquoi cette formation est copilotée avec l’Institut du Management du Groupe.

Quels retours avez-vous de la part des cadres formés ? Les avez-vous pris en compte pour faire évoluer la formation ?

Les retours soulignent l’attachement au caractère présentiel de la formation. Les participants sont heureux de pouvoir exposer leurs problématiques spécifiques et de voir que les intervenants s’attachent à y répondre ou encore qu’ils n’hésitent pas à valoriser telle ou telle solution élaborée par les managers dans le feu de l’action. L’intérêt de ces formations ne vient pas seulement de l’information qui vient du haut mais également du partage d’expériences et de bonnes pratiques entre participants. Ces moments d’échange permettent de sortir du sentiment d’isolement qui est souvent celui des managers, à La Poste comme ailleurs. Chacun constate que ses collègues rencontrent aussi des problèmes et que leur hiérarchie ne s’en désintéresse pas. Nous n’avons donc pas apporté de modification au canevas général de la formation – d’autant que parmi les formations dispensées à l’Institut du Management, celle-ci jouit du meilleur taux de satisfaction -, mais nous nous laissons une grande latitude pour répondre aux questions et problématiques posées par les participants. Dans une formation valorisant l’écoute et le dialogue, c’est la moindre des choses non ?

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