Nous vivons une crise où le collectif devient le danger. Dès lors le dialogue social, et le Directeur des Relations Sociales (qui l’incarne d’un point de vue institutionnel), peut-il devenir le garant efficace du collectif de travail ? Et comment ?
Cela pose notamment la question du sens du travail, aujourd’hui gouverné, tout du moins on l’espère, par l’envie de reprendre au plus vite, visible aujourd’hui dans l’industriel surtout.
Dans ces circonstances imprévisibles, le droit social, déjà fort complexe, est devenu hyper complexe, le droit s’est effacé devant la norme impérative et immédiate, plutôt fluctuante et floue, voire contradictoire… à laquelle s’adapter en permanence, on est donc passé du DROIT à la NORME qui conditionne la FLEXIBILITE non moins impérative de l’entreprise.
On l’a constaté pour le TELETRAVAIL, les syndicats sont peu séduits car le danger est proche et triple : peu de distance de l’autoentrepreneur par certains aspects donc de l’ubérisation des emplois, apprentissage potentiellement fatal de la distance par les patrons, qui refait penser aux délocalisations indiennes par exemple, et collectif de travail menacé dans son essence même de communauté de travail, sans oublier les dommages directs, pas vraiment collatéraux, sur la santé, l’intégrité physique, morale et mentale des salariés.
Par ailleurs, pour une fois, de façon exceptionnelle peut-être, le TEMPS du social est devenu le temps de l’entreprise, au lieu de retarder les changements et transformations désirés. On a pu notamment constater, et c’est heureux, que la boîte noire du dialogue social s’est fissurée, voire brisée, pour laisser s’échapper les élus et délégués syndicaux (DS) ainsi que les DRS/DRH pour porter secours aux opérationnels et permettre l’activité, la vie en entreprise quelles que soient les nombreuses vicissitudes des consignes gouvernementales.
Et la sempiternelle question de la VALEUR AJOUTEE du dialogue social s’est ainsi réglée de belle manière, la meilleure sans doute : tous les acteurs du dialogue social ont dû faire preuve de transparence, de transversalité et d’agilité pour dialoguer et négocier efficacement afin d’obtenir des résultats tangibles, de l’ordre de la santé du personnel et de la survie de l’entreprise.
En effet le dialogue social a vécu, vit encore largement de façon très différente, pressé par l’urgence et la nécessité absolue d’aboutir à des solutions immédiatement efficaces. DRS et élus / Délégués Syndicaux ont dû travailler différemment, en visioconférence – et même en audio pour des raisons de sécurité nationale ou de qualité de réseau ! – parfois tous les jours donc le fait de se voir, de se parler tout le temps a rapproché les positions, a fortiori dans un espace-temps contraint par la technique sans grande souplesse car les visioconférences sont elles aussi normées !
On peut même constater que là aussi, pour la première fois de façon aussi répandue, le gagnant / gagnant s’est imposé face au donnant-donnant ou à l’opposition forte ou radicale systématique.
En synthèse de ces constats, cette crise inédite a constitué une occasion unique pour les DRS et les élus ou délégués syndicaux DS de prendre enfin toute sa place, un essai à transformer pour que les opérationnels puissent s’appuyer efficacement sur eux.
Les élus et DS vont, pour certains, forcément évoluer, par retour du balancier au statu quo ante ou au donnant-donnant, par habitude et pour un moindre mal. Si le COVID a tué l’expression « la violence patronale » pour l’instant, les évolution subies et contraintes se paieront tôt (NAO ?) ou tard : restructurations agitées ou négociations difficiles.
L’enjeu de la répartition de valeur, sujet en émergence forte déjà auparavant et en expansion aujourd’hui, sera déterminant pour le positionnement des syndicats et la réactivité des salariés.
De façon générale, le niveau d’exigence va monter, car la base peut augmenter sa dimension contestataire, on le constate déjà : car les élus et DS sont perçus comme trop conciliants, même les plus durs ; y a-t-il encore une opposition syndicale ou sont-ce définitivement des tigres de papier ?). Et ensuite car les difficultés réelles vécues par certains peuvent encourager la gilet-jaunisation (sans forcément les gilets jaunes…), du fait de la paupérisation, etc.