La mise en place de la CSSCT, obligatoire dans les entreprises de plus de 300 salariés, est redoutée par ceux qui craignent une moindre prise en compte des questions de santé et de sécurité des salariés. D’autres y voient, au contraire, une occasion de créer une instance plus collaborative et mieux armée pour faire de l’amélioration des conditions de travail une question managériale à part entière.
La suppression du CHSCT et la prise en charge de ses attributions par l’instance généraliste qu’est le Comité social et économique (CSE), serait-ce une régression ? Pas certain ! Après tout, confier les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail à une instance généraliste peut aussi être une façon de les placer au centre des projets de l’entreprise plutôt qu’à leur marge. Plus qu’un pari, c’est une préconisation que nous formulons ainsi. Nous considérons en effet que les futures Commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) du CSE devraient être envisagées comme des partenaires permettant de relever collectivement les défis des mutations du travail dans un esprit de progrès partagé. Voici pourquoi !
La disparition des CHSCT ne signifie nullement la disparition des questions qu’il traitait. Or, la plupart des entreprises ont compris que la prévention des risques professionnels et l’amélioration des conditions de travail représentent des questions stratégiques. Au-delà même des coûts directs et indirects engendrés par les accidents et les maladies du travail, elles savent que de bonnes conditions de travail et même le bien-être professionnel contribuent à leur performance globale en permettant une réduction de l’absentéisme et du turn-over, un renforcement de l’engagement des salariés, une amélioration de l’attractivité de l’entreprise et de son image de marque (1). Au nom même de la bonne gestion, les entreprises devraient donc envisager leur CSSCT comme un précieux levier de mobilisation du collectif sur ces sujets cruciaux.
La disparition du CHSCT ne signifie nullement la disparition de “l’obligation de sécurité de résultat” qui astreint les employeurs à anticiper et prévenir les risques professionnels. Or, comme le relèvent les professionnels du droit, “ce changement profond de paradigme en cours depuis plusieurs années, passant d’une logique de réparation à une logique de prévention, a pour conséquence un risque pénal aggravé de l’employeur” (2). Dans ce contexte, l’existence d’une CSSCT opérationnelle représente un atout majeur puisqu’elle traduit la volonté de prévenir les risques professionnels conjointement avec les salariés et leurs représentants. Mieux : le fonctionnement et les moyens attribués à la CSSCT n’étant plus tant dictés par la loi que par un accord interne, ils permettront d’autant plus de faire valoir le volontarisme de l’employeur en matière de santé et de sécurité.
La disparition du CHSCT est aussi la conséquence de l’évolution du regard que nous portons sur les risques professionnels. Comme le rappelle Hervé de Lanouzière, inspecteur des affaires sociales, la création du CHSCT s’inscrivait elle-même dans cette évolution. “Le CHSCT est né en 1982 de la réunion du comité d’hygiène et sécurité (CHS) et de la commission des conditions de travail du CE. Il s’agissait donc déjà d’une fusion des instances”, justifiée par la volonté de “favoriser un examen global des problèmes rencontrés, intégrant tant les aspects économiques et organisationnels que la politique de santé et de sécurité et d’éviter les
dysfonctionnements rencontrés antérieurement en raison du partage de compétence entre les deux anciennes instances” (3). La gestion directe de ces sujets par le CSE, fût-ce au sein d’une commission spécialisée, accentue cette volonté de traitement global. Elle répond au fait qu’au sein des organisations contemporaines, les risques désormais les plus fréquents – tels par exemple les RPS et les TMS – loin d’avoir une cause unique sont transversaux et trouvent fréquemment leur source dans l’organisation et le management de l’entreprise. La CSSCT sera mieux armée pour identifier les dysfonctionnements qui entravent aussi bien la santé des travailleurs que le bon fonctionnement de l’entreprise.
La disparition de la CHSCT ne signifie pas l’abandon des préoccupations de conditions de travail mais la fin de leur sanctuarisation. Comme nous le confiait récemment un DRH, “en raison de son relatif isolement structurel, le CHSCT avait pour principal défaut d’être induit à raisonner à côté des enjeux de l’entreprise, ce qui aboutissait à une pensée hémiplégique”. En d’autres termes, tandis que la majorité des acteurs de l’entreprise travaillaient sur les nécessaires projets à mettre en œuvre en visant à concilier de multiples paramètres, le CHSCT arrivait en bout de course dans une logique binaire de validation ou d’invalidation sans envisager l’ensemble des données du problème. Pour les entreprises, la création des CSSCT ne représente donc pas, comme le redoutent certaines centrales syndicales, une opportunité d’écarter les questions de santé, de sécurité et de conditions de travail mais, au contraire, une occasion de les replacer au centre des projets. Avec un souhait : passer d’une logique de jugement en aval à une logique de coconsruction. Dans le contexte actuel de mutation du travail sous la pression conjointe des évolutions du marché, des technologies et des aspirations des salariés, l’implication de la future CSSCT ne devrait pas être redoutée mais recherchée tant elle peut s’affirmer comme le partenaire stratégique qui manquait à l’entreprise pour relever collectivement ces défis.
(1) Voir notamment “Investir dans la lutte contre le stress, est-ce rentable ?”, par Philippe Rodet et Clément Leroy, FocusRH, 11/12/17.
(2) “Risque pénal – Santé et sécurité au travail”, Newsletter du cabinet MI2 spécialisé dans la responsabilité pénale, n° 4, janvier 2018.
(3) “Du CHSCT au CSE”, par Hervé Lanouzière, Semaine Sociale Lamy, n° 1793, 30/11/17.