Témoignage
Philippe Grié, DRH Groupe Terrena : “Le CSE sera ce que nous en ferons collectivement.”

Directeur des Ressources Humaines du Groupe Terrena (acteur majeur de la filière agroalimentaire française avec un chiffre d’affaires de 5 milliards d’euros en 2017), Philippe Grié estime que la création de l’instance généraliste qu’est le CSE représente une opportunité de renforcer le dialogue social dans un contexte de profonde transformation du secteur.

En juillet dernier, la direction du Groupe Terrena et les organisations syndicales ont signé un accord intitulé “Dialogue social 2022”. Cet accord n’est-il pas emblématique de la possibilité de hisser les relations sociales au niveau stratégique ?

Cet accord prend bien sûr en compte les possibilités offertes par la création de l’instance généraliste qu’est le Comité Social et Économique (CSE). Toutefois, pour un groupe tel que Terrena, les relations sociales ont toujours représenté un enjeu de première importance en raison même de son statut de coopérative. Pour rappel, Terrena est une coopérative agroalimentaire regroupant 29 000 exploitations agricoles et 15 800 salariés exerçant dans l’ensemble des métiers du secteur, si bien que nous ne comptons pas moins de 25 conventions collectives ! Dès lors, la recherche de relations sociales de qualité se confond avec la volonté jamais démentie de “faire groupe” en promouvant une “culture Terrena”. Cela se traduit, par exemple, par le choix de situer au niveau du groupe les négociations visant à établir des règles communes en particulier dans les domaines de la qualité de vie au travail, la mobilité et les parcours professionnels, l’égalité entre les femmes et les hommes.

Dans ce contexte, la fusion des instances représentatives du personnel au sein du CSE représentait-elle une contrainte ou une opportunité ?

Je crois que cette réforme représente tout à la fois une contrainte et une opportunité, et ce aussi bien pour la direction des entreprises que pour les organisations syndicales. C’est une contrainte car elle oblige à tout remettre à plat. Et c’est une opportunité pour les mêmes raisons ! C’est pourquoi, pour notre part, nous y voyons plutôt un défi à relever ensemble puisque, in fine, le CSE sera ce que nous en ferons collectivement. La mauvaise attitude aurait bien sûr été d’y voir une occasion d’en faire moins alors que c’est, tout au contraire, une occasion de faire mieux en exploitant les nouvelles latitudes offertes par la loi pour créer une architecture à la mesure de nos ambitions et adaptées à nos enjeux. Ainsi, à titre d’exemple, considérant que la pénibilité représente un vrai sujet dans nombre de nos métiers, nous avons décidé de créer des Commissions santé, sécurité et conditions de travail (CSSCT) dans tous nos établissements de 50 salariés ou plus et non dans ceux de 300 salariés ou plus comme le prescrit la loi.

De nombreux Directeurs des ressources humaines se félicitent de la simplification induite par la réforme…

La simplicité est souvent gage d’efficacité et c’est pourquoi, en l’espèce, nous jouons cette carte, notamment dans l’organisation du BDES et la consultation des représentants du personnel. Nous aurons, chaque année, une consultation portant sur le volet économique et une autre portant sur le volet social, tandis que la consultation portant sur la stratégie se déroulera tous les trois ans. Toutefois, au-delà de la simplicité, la réforme permet aussi l’inventivité. Ainsi, pour notre part, nous avons décidé d’instaurer des délégués syndicaux groupe représentant chacune des organisations syndicales représentatives au niveau du Groupe et de leur donner des moyens matériels et financiers pour exercer au mieux leur mission. De la même façon, nous avons institué, pour les élus du personnel, des entretiens de début, milieu et fin de mandat visant à les rassurer quant au déroulement de leur carrière. Nous espérons ainsi surmonter l’éventuel obstacle à leur engagement que représente l’interdiction qui leur est faite d’accomplir plus de trois mandats de 4 ans. Car nous considérons que des élus du personnel investis et de qualité sont essentiels au bon fonctionnement de l’entreprise.

Justement, qu’attendez-vous de ces délégués syndicaux et plus globalement des nouvelles instances représentatives du personnel ?

Je souhaite qu’ils deviennent de véritables partenaires stratégiques dans un contexte de profonde mutation du secteur agroalimentaire. L’essor du bio, les attentes renforcées en matière de traçabilité des produits transformés, la végétalisation de l’alimentation, la digitalisation de la distribution sont des défis cruciaux que nous devons relever collectivement. Ils exigent donc l’instauration d’un dialogue social de qualité tant au niveau du groupe que dans les CSE d’établissement. L’instance généraliste qu’est le CSE présente le grand avantage de ne plus tronçonner les sujets mais de permettre leur réunion dans une même vision stratégique intégrant aussi bien les aspects économiques que sociaux et même sociétaux. Nous ne voyons donc pas le CSE comme une simple addition des anciennes instances. Nous souhaitons en faire le lieu d’une authentique coréflexion sur les enjeux de l’entreprise. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons entrepris de lancer, avec l’appui de Cardinale sud, un vaste programme de formation au dialogue social des directeurs d’établissements et responsables ressources humaines qui seront chargés d’animer les CSE. En effet, nous n’oublions pas que le dialogue social n’est pas seulement une affaire d’instances et de procédures. Dans le cadre moins corseté juridiquement qui résulte de la réforme, il est d’autant plus une affaire humaine !

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