A l’heure des bouleversements majeurs qui impactent notre environnement et l’ensemble des activités humaines, à l’heure où le travail hybride se généralise, quelles formes prend le dialogue social ?
Jean-François Guillot dresse un bilan synthétique des enjeux 2022 du dialogue social. Jean-François est le fondateur du cabinet Cardinale sud. Il a créé la Qualité Sociale®, une approche pragmatique et performante du social en entreprise. Il est également intervenant à l’IGS.
Jean-François fait le constat qu’aujourd’hui que le dialogue social est à la croisée des chemins.
Le légal a rajouté le “E” de “Environnement” à tout ce qui est déjà social. Personne ne sait réellement comment cela va se mettre en œuvre. Probablement les grandes entreprises créeront elles elles-mêmes leur vécu en la matière, pour le reste, la crise sanitaire a profondément transformé les choses.
– Perte de compréhension de ce à quoi sert le dialogue social.
– Perte de vue des syndicats et des syndicalistes : à quoi servent-ils finalement ?
– Perte de candidatures pour les élections ; or il faut des candidats pour le dialogue social.
Ces derniers mois, la priorité a été mise sur la “santé”, la “sécurité”, les “conditions de travail”, avec beaucoup de protocoles sanitaires, d’allers et venues… et cela a rejeté des mois, et peut-être des années après, des questions importantes en matière de dialogue social.
Analysons la situation du dialogue social aujourd’hui, en 2022, et listons ses défis présents.
Hybride ? Oui, car désormais, on sait que le dialogue social d’un point de vue technique, ne sera plus jamais le même.
D’ores et déjà, les ordonnances permettaient de réaliser un certain nombre de réunions à distance; avec la crise sanitaire, il a parfois fallu que le dialogue social se fasse à 100% en distanciel.
Aujourd’hui, des syndicalistes disent non : ils veulent continuer à négocier les accords importants en présentiel.
Pourquoi ? Parce qu’on n’a plus de temps. Parce qu’on peut davantage s’exprimer. Parce que, disons le tout net, des techniques issues du théâtre, de la prise de parole en public, peuvent fort bien aider les différentes parties en présence à s’exprimer et avoir de l’impact, là ou derrière un écran, vous perdez 70 % de votre impact.
Il faut donc repenser cela, le rapport entre présentiel et distanciel.
Mais ça ne s’arrête pas là, j’en reviens toujours à la crise de vocation, j’en reviens également au sens du dialogue social, il faut sortir de la boîte noire du dialogue social qui, jusqu’alors, était réservée aux couples DRH, DRS et syndicalistes.
– Premièrement derrière l’écran, il n’y a plus de lien, or, dans les relations sociales, il y a “relations” et il y a “sociales”. C’est donc très mauvais de considérer que si la technique fonctionne, il y a de la relation, il y a du lien. La relation sociale doit être recréée.
– Le deuxième enjeu était déjà présent avant le Covid, c’est la mainmise des DAF sur le volet DRH et social. Le jour où on managera le social au tableur Excel, ça causera des dégâts très forts, surtout en France.
– Troisièmement, on ne peut pas exclure les managers du dialogue social. Ils font partie intégrante du dialogue social. Le canal syndical, représentants de proximité, élus CSE, délégués syndicaux est évidemment très important, le canal managérial a aussi toute son importance dans le dialogue social. Dès lors, comment l’activez-vous ?
– Quatrième élément déterminant : l’entreprise ne peut plus aujourd’hui se désintéresser de son paysage syndical. Autrement dit, des talents sociaux, des talents à fibre sociale doivent être encouragés à se présenter aux élections, et ce quels que soient les syndicats dans lesquels ils s’engagent. Il faut que cet engagement dans le social devienne une préoccupation de l’entreprise.
En France, on a toujours tapé sur les corps intermédiaires. Or en France, le corps intermédiaire syndical est décisif dans l’entreprise. Et toutes les grèves qu’on vient de voir en janvier 2022 démontrent bien l’importance du dialogue social, y compris dans les plus grandes entreprises.
Dans dialogue social, tout le monde entend spontanément droit social. Au-delà du droit social, il est nécessaire de se former à la relation sociale, car la relation est supérieure au contenu.
Le droit, c’est de la conformité, c’est 10 % du sujet.
La vraie question du dialogue social 2022, c’est comment mettre en place une relation de qualité qui permette à un contenu de qualité d’exister et surtout d’être appliqué ?