Business Case
Renégocier le temps de travail sur un site de production : un projet de conduite du changement

Contexte

L'ingénierie Cardinale sud

Dans cette entreprise du secteur industriel à l’ADN artisanal, de nombreuses tâches ne sont pas automatisées et sont réalisées à la main. Le site compte près de 200 employés, du directeur de site à l’ouvrier. Les ouvriers sont désignés par le terme d’opérateur : ce sont eux qui réalisent les tâches de production, la plupart du temps à la main.

Le secteur se porte bien, les ventes vont croissant, le carnet de commandes est plein, et les délais d’attente s’allongent. Cet afflux des commandes met en lumière une nécessité de produire plus. Il faut donc augmenter la capacité de production. De nombreuses tâches étant manuelles, on ne peut accélérer la cadence.

La solution envisagée en premier lieu est d’augmenter le nombre de postes de travail. On recrute de nouveaux opérateurs, et on crée de nouveaux postes de travail, en utilisant au maximum l’espace restant sur le site. Jusqu’à arriver à une limite : celle de l’espace disponible. Bientôt, le besoin d’augmenter le nombre d’heures pour faire face aux commandes est évident.

On décide donc d’élargir le taux d’utilisation des postes de travail individuels. Sur un même poste, il s’agit de faire tourner successivement deux opérateurs au lien d’un. Mais cette solution pose un problème très concret : comment faire évoluer le temps de travail ? A ce jour, chaque opérateur a un poste de travail défini, et travaille 35 heures, avec pour la plupart, des horaires conciliables avec une vie familiale, 9h-17h. Le tout dans un bassin d’emploi isolé, et donc sans grande flexibilité dans les opportunités de travail.

De premières tentatives de négociation sont menées sur le site. Mais le refus des organisations syndicales est catégorique : il est hors de question de faire évoluer le temps de travail. Surtout si c’est pour passer en 2×8 : d’une seule équipe en journée, à deux équipes, une le matin et la seconde l’après-midi. Ce changement d’horaires est un bouleversement bien trop important.

L’entreprise décide alors d’ouvrir le sujet de la renégociation du temps de travail. Ce sujet en réalité, c’est le changement, la transformation. Et cela doit passer, non par la force mais par une négociation et donc l’identification de contreparties intéressantes : c’est la volonté de l’entreprise.

Augmenter le temps de travail, cela a des conséquences sur tout le reste du site : de la disponibilité des fonctions support au rythme de la maintenance, de la logistique au processus qualité… C’est toute l’organisation du travail du site qui est impactée.

L’entreprise fait appel à Cardinale sud pour accompagner la renégociation du temps de travail sur le site. Il nous faut intervenir dans un temps limité : en 4 mois, il faut négocier et conclure un nouvel accord d’aménagement du temps de travail. Très vite, notre équipe met en place un projet de transformation par étape, construit sur la Qualité Sociale®.

Un diagnostic complet de la situation économique et sociale est effectué. Observation, entretiens et analyse documentaire nous permettent d’acquérir une fine compréhension du fonctionnement de l’activité, de l’organisation du travail, de la circulation des flux, du terrain social aussi.

Il apparaît rapidement que c’est seulement en redonnant du sens au projet de site, dans le projet plus global de l’entreprise, que la négociation sur le temps de travail pourra s’effectuer dans le temps imparti.

Des freins importants sont identifiés :

  • Du côté managérial : le management est résistant au changement, le comité de direction du site surtout, notamment par inquiétude sur la question des moyens pour mettre en place le changement.
  • Du côté des opérateurs bien sûr : le changement implique une modification majeure de l’équilibre vie professionnelle/vie personnelle, avec une inquiétude forte sur la rupture de cet équilibre.

L’enjeu est d’embarquer tous les collaborateurs du site dans le projet de transformation. En réponse, l’équipe Cardinale sud déploie une approche pragmatique sur les 4 axes de la Qualité Sociale®. 

L'approche Qualité Sociale

Les 4 piliers de la Qualité Sociale guident notre démarche : l’axe du sens Stratégie-Management et l’axe de l’action Marketing-Relations.

Stratégie

  • Mettre en place une stratégie de négociation incluant le management à partir d’un diagnostic partagé de la situation
  • Créer un récit sur la transformation en cours : identifier le sens qui oriente la transformation, « se mettre au niveau de performance pour pouvoir répondre aux commandes dans un univers international concurrentiel »
  • Aider le directeur de site à faire émerger, formaliser et formuler le récit, en le challengeant

Management

  • Former les top managers à leurs 4 rôles (le manager comme 1er représentant de l’entreprise / de son équipe / et 1er acteur du climat social / du changement) : un séminaire est construit pour les 8 membres du codir
  • Accompagner les managers dans la conduite du changement
  • Embarquer les managers de proximité dans le changement : un séminaire d’1 journée est organisé pour les faire monter à bord, identifier et lever leurs freins
  • Proposer des rendez-vous réguliers pour avancer collectivement et individuellement avec les managers concernés

Relations sociales

  • Mener la négociation sociale avec les organisations syndicales du site.
  • Définir la stratégie de négociation
  • Construire un objectif de négociation acceptable et réaliste
  • Identifier les contreparties pouvant être mises en œuvre au fil de la négociation
  • Établir la feuille de route de la négociation
  • Mettre en œuvre la négociation au plan tactique, réunion par réunion

Communication

  • Porter le sujet sur le terrain avec les organisations syndicales
  • Communiquer à chaque étape de la négociation à tous
  • Collecter directement sur le terrain les feedbacks des collaborateurs pour s’assurer de leur bonne compréhension et lever les freins
  • Planifier des réunions d’équipes ainsi que des face-à-face entre manager et collaborateur

Résultats

La signature de l’accord sur la nouvelle organisation du temps de travail intervient dans les délais définis. S’enclenche alors la démarche de mise en œuvre de la nouvelle organisation du travail, avec un échelonnement du projet sur 3 ans. Car donner du temps est nécessaire à tous les collaborateurs pour s’adapter.

La QVG ou qualité de vie globale des collaborateurs est préservée. Aucun arrêt de travail n’est à signaler, aucune grève ne se déclare. Le projet est finalement digéré dans un temps relativement court.

Du côté de l’équipe Cardinale sud, c’est une vraie satisfaction de voir que des situations individuelles, parfois complexes, ont bien été prises en compte et traitées. Et grâce à cela, la confiance sur le site et dans l’entreprise a été préservée, et par endroit, restaurée.

Facteurs clés de succès

  • Le sens donné à la transformation car il ne peut y avoir de stratégie sociale sans vision, sans sens.
  • Le récit d’une histoire porteuse de sens : nécessité de transformer, urgence du changement, valeur du savoir-faire artisanal, développement pour pérenniser, etc.
  • La construction d’un niveau de confiance suffisant pour aborder le sujet en le dépassionnant
  • Le soutien accordé aux OS sur le terrain en leur donnant les moyens d’assumer le projet, et les renforçant dans leur capacité à porter eux aussi ce projet sur le terrain
  • Un maillage terrain maximal avec le management, pour que les collaborateurs puissent remonter leurs problématiques et situations individuelles
  • Une réponse apportée à chaque situation personnelle
  • Un rouage clé : les managers de production/de proximité qui ont pleinement assumé leur responsabilité
  • Le rôle efficace de la RH pour démêler les vraies situations difficiles et des situations individuelles de confort
  • Des contreparties financières accordées, à budget maitrisé

Ivan Soibinet

Consultant-Formateur Cardinale sud

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