Témoignage
Vincent Segui, DRS IKEA France : “Le dialogue social n’est pas l’apanage des RH. Il concerne aussi les managers.”

Directeur Relations Sociales d’IKEA France, Vincent Segui a lancé un programme de leadership social dans les 33 magasins français du groupe suédois.

Il revient ici sur les objectifs et enjeux de cette initiative conçue et pilotée en coopération avec Cardinale sud Formation et nous fait part d’une conviction forte : la qualité du dialogue social dépend davantage des hommes que des structures.

Le programme de formation dédié au leadership social que vous avez lancé vise-t-il à répondre à un problème particulier ?

Non, nous n’étions pas confrontés à un problème particulier. Ce programme s’inscrit dans la Stratégie RH, au croisement des relations sociales et du développement des compétences qu’au sein d’IKEA nous appelons la “démarche talents”. En effet, à nos yeux, la capacité à développer un dialogue social de qualité est bien un “talent” qui mérite d’être développé grâce à des formations dédiées.

Quels sont les publics visés par ce programme ?

Cette formation s’adresse tout d’abord aux responsables des ressources humaines (RRH) de nos 33 magasins français, sans oublier ceux du siège et de notre centre de relations clients, mais aussi à l’ensemble de nos managers. Nous considérons en effet que le dialogue social n’est pas l’apanage des ressources humaines car, chez IKEA, le manager de proximité est le premier régulateur social. En effet, lorsqu’un salarié rencontre un problème, il va spontanément s’adresser à son manager plutôt que frapper à la porte des RH… Si bien que la qualité du dialogue social se joue d’abord sur le terrain, au plus près des collaborateurs. C’est la raison pour laquelle, au sein d’IKEA, nous demandons à nos managers de mener non seulement un dialogue direct avec leurs collaborateurs mais nous les incitons aussi à travailler avec les élus syndicaux que nous considérons comme des partenaires incontournables. Pour aider les managers à faire face sereinement à cette responsabilité, il est donc nécessaire de les former au dialogue social comme nous le faisons d’ailleurs pour toutes les attributions qui sont les leurs !

Déployer un tel programme sur un grand nombre de sites n’est pas une mince affaire. Comment avez-vous procédé ?

Nous avons tout d’abord nommé une responsable de projet en la personne d’Alexandra Coutance qui l’a piloté du début à la fin en liaison avec notre prestataire. Ensemble, ils ont d’abord créé un groupe de travail constitué de quatre RRH de magasins et d’un expert formation managériale chargé de s’assurer que la formation imaginée soit cohérente avec celle dispensée parallèlement en matière de leadership managérial. Puis, une fois le programme établi, il a été testé sur un groupe de RRH et un groupe de managers avant d’être déployé en deux temps. Une première série de formation, assurée par Cardinale sud Formation a formé les RRH des 33 magasins. Dans un second temps, ces mêmes RRH ont chacun assuré la formation de leurs managers, seuls ou avec l’assistance des consultants, selon les besoins locaux. À ce jour, la moitié des magasins a bénéficié de ce programme.

Quels sont les retours ? Avez-vous déjà identifié des clefs de réussite ?

Les RRH se sont montrés particulièrement enthousiastes. Il est vrai que ces derniers accompagnent toujours les autres salariés, développent leurs compétences, organisent leur formation mais se préoccupent trop peu d’eux-mêmes. Ils ont donc été particulièrement sensibles à la possibilité qui leur était offerte d’échanger sur leurs expériences, de prendre du recul sur leurs missions et de questionner leurs pratiques. Nombre d’entre eux m’ont affirmé que cette formation leur avait ouvert de nouvelles perspectives. S’agissant des managers, les retours sont également très positifs, notamment parce que la formation a contribué à leur faire prendre conscience de l’importance de leur rôle et des latitudes dont ils disposent au plan social. Au-delà des connaissances qu’ils ont acquises, notamment en matière de droit social, cette formation a aussi l’avantage de rappeler combien l’humain est au cœur de leur métier. Quant à la clef de la réussite, elle réside selon moi dans la capacité à élaborer une formation sur mesure, collant aux enjeux réels et situations concrètes que rencontrent les collaborateurs auxquels on s’adresse. C’est pourquoi nous avons été sensibles à la façon dont Cardinale sud Formation s’est prêté à une véritable coconstruction du programme.

Envisagez-vous de donner une suite à cette formation ?

Je pense qu’à l’issue de cette formation, nos collaborateurs seront bien équipés pour relever les défis sociaux qu’ils rencontrent. Toutefois, nous devrons bien sûr accompagner les équipes RH sur les évolutions légales et réglementaires, à commencer par la fusion des IRP dans le futur Comité Social et Économique (CSE).

Justement, quel regard portez-vous sur le CSE ? S’agit-il, selon vous, d’une évolution positive ?

Si cette nouvelle instance permet à chacun de sortir de la routine, de se remettre en cause et de se repositionner, alors l’effet ne peut être que positif. Toutefois, je crois qu’il ne faut pas trop se focaliser sur la question des instances de représentation car la qualité du dialogue social dépend avant tout de la formation des femmes et hommes. Ainsi, pour prendre un exemple, au sein d’IKEA, nous réfléchissons à l’impact des outils numériques sur l’équilibre entre vie professionnelle et vie privée, ainsi qu’à la question du droit à la déconnexion. C’est une démarche que nous allons certainement entreprendre avec la future commission santé du CSE mais que nous aurions pu aussi bien mener avec l’actuel CHSCT. En tout cas, une chose est sûre : la formation que nous avons dispensée permettra à nos collaborateurs de développer un dialogue social de qualité quelle que soit l’architecture des instances de représentation.

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